Ces traductions sont avant tout destinées à restituer le sens et l'esprit, plus que l'aspect poétique de ces textes.
Les auteurs en sont Guillaume Dufay et Gilles Binchois eux-mêmes, puisque dans la tradition issue des troubadours et trouvères, le poète et le musiciens ne font qu'un, encore à cette époque.
Cependant, Christine de Pisan et Petrarque sont les auteurs des textes de deux chansons de ce programme.
La première étape est d'éclairer l'interprète et l'auditeur sur la signification de certains termes. Pour la plupart, les dictionnaires d'ancien français peuvent nous venir en aide.
Mais dans la chanson "Par droit je puis", une strophe reste énigmatique: celle qui concerne les noix, les fèves et les pois semble en décalage, dans ses détails gastronomiques, avec la souffrance exacerbée qui caractérise la chanson dans son ensemble. Peut-être y a t-il allusion à un double-sens dont nous n'avons plus la clé...
Les traductions en anglais et allemand sont basées sur les textes en moyen français partiellement "traduits". Certains mots très proches de notre français actuel ont été laissés tels quels, avec leur orthographe d'origine.
Chansons en français
1- Ce jour de l'an
Ce jour de l'an voudray joye mener,
Chanter, danser et mener chiere lie (être d'humeur joyeuse)
Pour maintenir la coutume jolye
Que tous amants sont tenus de garder.
Et pour certain tant me voudray poier (Et sincèrement je voudrais m'élever à ce)
Que je puisse trouver nouvelle amie
Ce jour de l'an voudray joye mener,
Chanter, danser et mener chiere lie
A laquelle je puisse presenter
Cuer, corps et bien sans faire despartie (tout ensemble)
He dieus d'amours soyez de ma partie
Que fortune si ne me puist grever (pour que le sort ne m'accable pas)
Ce jour de l'an voudray joye mener,
Chanter, danser et mener chiere lie
Pour maintenir la coutume jolye
Que tous amants sont tenus de garder
2 - Deuil angoisseus
Dueil angoisseus, rage demesurée, (Deuil oppressant, rage excessive)
Grief desespoir plain de forcement, (Grand désespoir plein de violence)
Langor sans fin et vie maleurée, (Langueur sans fin et vie accablée)
Plaine de plour d'angoisse et de torment.(Pleine de pleur, d'angoisse et
de tourment)
Coeur doloreux (douloureux)qui vit obscurement,
Tenebreux corps sur le point de partir
Ay sans cesser continuellement, (J'ai en permanence un corps malade
prêt à défaillir,
Et se ne puis garir ne morir et je ne peux ni guérir ni mourir)
Christine de Pisan
3 - Triste plaisir, et douloureuse joye
version instrumentale
4 -Se la face ay pale
I
Se la face ay pale (si j'ai le visage pâle)
La cause est daymez (d'aimer)
C'est la principale
Et tant m'est amer (et il m'est tant amer
Amer qu'en la mer d'aimer qu'en la mer
Me voudroye voir; je voudrais me voir)
Or scet bien de voir (c'est bien de voir )
La Belle a qui suis (la belle à qui j'appartiens)
Que nul bien avoir (je ne peux avoir
Sans elle ne puis aucun bien sans elle)
II
Ce pesante malle ((comme) cette pesante malle
De dueil a porter, de deuil à porter)
Ceste amour est male (cet amour est difficile
Pour moy de porter; pour moi à porter)
Car son deporter (car son bon plaisir
Ne veult devouloir veut qu'on n'obéisse
Fors qu'a son vouloir qu'à sa volonté
Obeisse, et puis et puisque telle
Qu'elle a tel vouloir, est sa volonté,
Sans elle ne puis sans elle je ne peux)
III
C'est la plus reale (royale)
Qu'on puist regarder, (que l'on puisse)
De s'amour leiale (de son amour loyal)
Ne me puis guarder, (je ne peux me garder)
Fol suis de agarder (je suis fou d'attendre
Ne faire devoir ni ne mérite
D'amour recevoir de recevoir d'amour
Fors d'elle, je cuis ; seulement d'elle, je crois
Se ne veil douloir (si je ne veux pas souffrir,
Sans elle ne puis. sans elle je ne peux)
5 - Adieu ces bons vins
Adieu ces bons vins de Lannoys
Adieu dames, adieu borgois, (bourgeois)
Adieu celle que tant amoye (que j'aimais tant)
Adieu toute toute playsante joye
Adieu tous compaignons galois (de France)
Je m'en vois tout arquant (en emportant?) des nois
Car je ne truis (trouve) feves ne (ni) pois
Dont bien souvent au cuer mennoye (que si souvent je désirais)
Adieu ces bons vins de Lannoys
Adieu dames, adieu borgois,
Adieu celle que tant amoye
De moy serés (serez), par plusieurs fois
Regretés (implorés) par dedans les bois
Ou il n'y a sentier ne voye (ni voie);
Puis ne scaray (saurai) que faire doye,
Se je ne crie a haute vois :
Adieu ces bons vins de Lannoys
Adieu dames, adieu borgois,
Adieu celle que tant amoye
Adieu toute toute playsante joye
Adieu tous compaignons galois
6 - Adieu m'amour, adieu ma joye
version instrumentale
7 - N'araige jamais mieulx
N'araige jamais mieulx que j'ay
Suige la ou je demouray
M'amour et toute ma plaisance ?
N'aurez vous jamais congnoissance
Que je suis tout vostre et seray ?
Ne faictes de moi plus d'essay
Car vous congnoissez bien de vray
Que je suis navré a outrance.
N'araige jamais mieulx que j'ay
Suige la ou je demouray
M'amour et toute ma plaisance ?
Je me rens et si me rendray,
Autre defense n'y mettray,
Car vous avez trop de puissance.
Et si pouvez prendre vengence,
Mais dictes moi que je feray.
N'araige jamais mieulx que j'ay
Suige la ou je demouray
M'amour et toute ma plaisance ?
N'aurez vous jamais congnoissance
Que je suis tout vostre et seray ?
8 - Filles a marier
Filles a marier, ne vous mariez ja. (jamais)
Car se jalousie a, jamais ne vous ne luis (car si jalousie il y a, jamais ni
vous ni lui)
Au cuer joye n'ara(au coeur joie n'aurez), et pour ce pensez y.
9 - Mon cuer chante joyeusement
version instrumentale
10 - Adieu m'amour et ma maistresse
Adieu m'amour et ma maistresse,
Adieu mon souverain desir,
Adieu celle a qui je veul servir,
Adieu mon confort et liesse.
J'ay grand desir de prendre adresse, (petit chemin court)
Pour quoy vous puisse revenir.
Adieu m'amour et ma maistresse,
Adieu mon souverain desir.
Souvengne-vous belle deesse,
De moy qui suy vo (le votre) sains faillir,
En volonte de revenir
Pensant a vo (votre) belle jounesse.
Adieu m'amour et ma maistresse,
Adieu mon souverain desir,
Adieu celle a qui je veul servir,
Adieu mon confort et liesse.
11 - Par droit je puis bien
Par droit je puis bien complaindre et gemir
Qui sui esent (exempt) de liesse et de joye
Un seul confort ou prendre ne scayroye (saurais)
Ne scay comment me puisse maintenir
Raison me nuist et me veut relenquir (abandonner)
Espoir me fault (manque);en quel lieu que je soye
Par droit je puis bien complaindre et gemir
Qui sui esent de liesse et de joye
Dechassiés (pourchassé) suy, ne me scay ou tenir
Par fortune (le sort) qui si fort me gueroye
Anemis sont ceus qu'amis je cuidoye (croyais)
Et ce porter me convient (il me faut supporter cela) et souffrir
Par doit je puis bien complaindre et gemir
Qui sui esent de liesse et de joye
Un seul confort ou prendre ne scayroye
Ne scay comment me puisse maintenir
12 - O rosa bella
O rosa bella, O dolce anima mea, O belle Rosa, O ma douce âme,
Non mi lassar morire in cortesia. Ne me laissez pas mourir avec
courtoisie
Ay lasso me dolente per ben servire Je suis lié douloureusement à
vous pour bien vous servir
Et laeamente amare Et vous aimer loyalement
13 - Vergine bella
Vergine bella, che di sol vestita, Vierge belle qui vêtue de
soleil,
coronata di stelle, al sommo Sole couronnée d'étoiles, au souverain
soleil
piacesti sí, che 'n te Sua luce ascose, plut tant, qu'il cacha en toi sa
lumière,
amor mi spinge a dir di te parole: Amour me pousse à chanter tes
louanges (à parler de toi)
ma non so 'ncominciar senza tu' aita, Mais je ne saurais commencer
sans ton aide
et di Colui ch'amando in te si pose. Et (sans celle) de celui dont
l'amour s'est déposé en toi.
Invoco lei che ben sempre rispose, J'invoque celle qui répond
toujours
chi la chiamò con fede : A celui qui
l'appelle avec foi.
Vergine, s'a mercede
Vierge, si jamais
miseria extrema de l'humane cose La misère extrème de la
condition humaine (des choses
humaines)
già mai ti volse, al mio prego t'inchina, T'incite (te fait tourner vers) à
t'incliner vers mes prières,
soccorri a la mia guerra, Secours-moi dans ma
guerre,
bench'i' sia terra, et tu del ciel regina Bien que jene sois que
poussière (que terre) , et toi la
reine du ciel.
Petrarca, Canzionere, chant 366, première strophe